LES DITS DE SOPHIE


retour au sommaire général Terreur Amalgame Quatre hérons
Pour quarante balles Une île d'enfance Katrevainkat Deuzeurkinze
Rollermania est mort, vive la rafrsr Le cr du court "Argent content" M'dame Michou
Le vermisseau s'est noyé Chat minée Fonctions
Roulez Bourré(e)s Un fil à thème Mal
Impressions au couchant La ballade des balades AO à rollo Eclat
Impressions au soleil levant La rafrsr prend l'eau Dernière photo
No Bed of Roses Tumulte
Ballade minérale East Wind
Mémoire et oubli Tall Grass


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Ballade minérale - Une ode granitique*

Lentement, elle s'est retournée, et c'est seulement quand viennent les petites heures que je prends conscience que tout recommence. Tandis que d'autres s'éveillent difficilement à leurs sens, mon âme, elle, prend son envol avec délice, vive dans l'air cristallin et froid. Je sais, sans avoir à ouvrir les yeux, que la nuit n'est pas partie mais qu'elle va bientôt s'éclipser, et me laisser là, attentive à la venue d'un renouveau. J'entends déjà le changement dans les vibrations du chant tellurique qui vibre tout contre moi.

Le nez émerge, petite protubérance aussitôt glacée, qui hume les odeurs franches de ce sol rocailleux et acide, de cette terre si fragile qui se gorge sans retenue de rosée givrée. Mon corps, marqué du sceau presque indélébile de l'empreinte nocturne, ne bouge pas encore. Je suis partie intégrante du sol irrégulier sur lequel je repose, un lien nous unit, cette terre et moi, carbone sur granite, eau sur sable, sang sur humus, nous sommes semblables, je lui appartiens tout comme elle est mienne. Nous ne sommes qu'une.

Je savoure le souvenir de cette nuit. Immobile, je prends la mesure du temps qui passe, lentement, doucement. Tout autour, les bruits se font plus nombreux, plus diffus. Le petit monde de la nuit va se coucher, celui du jour se lève. C'est l'heure où l'on se croise furtivement. Moment magique qui nourrit mes oreilles de chuchotements, de bruissements doux, de cris brefs et d'appels. La chaleur dans laquelle je me blottis me permet de savourer encore et encore ce moment éternel. L'instant se prolonge, s'étire comme indéfiniment. Le granite me marque, je vis à son rythme minéral.

J'attends, j'attends le moment où le voile se lèvera. J'anticipe. Les images se forment derrière ces paupières closes, je sais ce que mes yeux verront dans l'air limpide. Et pourtant, rien ne sera exactement pareil. Les détails infimes du changement n'apparaîtront que peu à peu, se superposeront aux images de la veille, gravées sur ma rétine, rendant tout souvenir flou et imprécis. Elle sera toujours aussi belle, aussi désirable. Pourtant, je sais qu'il m'en faut chérir le souvenir, je sais le trésor dont je suis devenue la gardienne.

Dans un moment, une seconde, une éternité, je me lèverai enfin. Sortant de ma chrysalide douillette, je m'étirerai lentement, orteils pointés vers le sol, doigts tendus vers le ciel, laissant le froid me couvrir de ses mille baisers et m'envelopper d'un manteau de glace, je me déplierai devant elle, la peau frémissante, seins durcis pointés vers elle, m'arquant en un salut solennel, je lui présenterai la douceur de mon ventre, émue de la caresse à venir, je lui offrirai mon corps et mon âme, sans retenue, sans crainte. D'entre mes cuisses dorées rayonneront les pulsations de ma joie, de mon bonheur. J'inspirerai profondément, lentement je m'imprégnerai de son odeur, me plongeant toujours plus profondément dans le délice.

Maîtresse fidèle. Chaque instant passé loin d'elle est une longue souffrance sucrée. Je vis pour elle, par elle, avec elle. Où que je me trouve, elle est là, contre moi, en moi, avec moi. Je sais qu'elle m'accueillera toujours en son sein, qu'elle me prendra telle que je suis. Avec elle, j'existe, enfin. Petite créature blottie au creux de son vouloir, amante fougueuse ou fillette éplorée. Elle me tient en sa coupe. Mes mains portent sa marque, son grain s'est incrusté dans ma peau, mes doigts caressants ont maintes fois suivis ses reliefs, mon corps s'est lové contre le sien des nuits entières et de longues journées je me suis frottée contre elle, pulsant à son rythme, vivant dans son ombre et sa lumière.

Elle est mon commencement, elle sera ma fin.



* Erotique = relatif à l'amour.

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