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Raphaël Confiant

Biographie

Raphaël Confiant vit en Martinique. Auteur de nombreux romans, il utilise l'écriture pour parler de cette créolité insulaire qui fut si longtemps dénigrée. S'il écrit en français, c'est cependant pour désarticuler cette " langue des maîtres " et l'inventer à nouveau à l'aune d'une créolité qu'il n'a jamais renié.

Ses romans, en même temps qu'ils dénoncent les cicatrices de l'esclavage et du no future dont sont victimes les Antilles, militent pour restituer son identité à une créolité qui souffre encore trop des stigmates de l'Histoire

Bibliographie

En langue créole :

Jik dèyè do Bondyé, nouvelles, Éd. Grif An tè, 1979.

Jou Baré, poèmes, Éd. Grif An Tè, 1981.

Bitako-a, roman, Éd. Gérec, 1985. (Traduction en français par J-P. Arsaye, Chimères d'En-Ville, 1996).

Kòd Yanm, roman, Éd. KDP, 1986.

Marisosé, roman, Éd. Presses Universitaires Créoles, 1987. (Traduction en français par l'auteur, Mamzelle Libellule, Le Serpent à Plumes, 1995).

Dictionnaires des titim et sirandanes, Ibis rouge, 1997.


En langue française :

* Le Nègre et l'Amiral, roman, Grasset, 1988 et Le Livre de poche, 1993 (Prix Antigone).

* Eloge de la créolité, essai, en collaboration, Gallimard, 1989.

* Lettres créoles: tracées antillaises et continentales de la littérature (1635-1975), essai en collaboration, Hatier, coll. Brèves littéraires, 1991.

* Eau de Café, roman, Grasset; 1991 et Le Livre de poche, 1993.

* Ravines du devant-jour, récit, Gallimard, coll. Haute Enfance, 1993 et Gallimard, Folio, 1995

* Commandeur du sucre, récit, Archipel, 1993.

* Aimé Césaire, une traversée paradoxale du siècle, essai, Stock, 1993.

* L'Allée des Soupirs, roman, Grasset, 1994.

* Bassin des ouragans, récit, Mille et une nuits, 1994.

* Les maîtres de la parole créole, contes, Gallimard, 1995.

* Contes créoles, contes, Stock, 1995.

* Le Gouverneur des dés, récit, Stock, 1995.

* Mamzelle Libellule, roman, Serpent à Plumes, 1995.

* La Savane des pétrifications, récit, Mille et une nuits, 1995.

* La Vierge du Grand Retour, roman, Grasset, 1996.

* La baignoire de Joséphine, récit, Mille et une nuits, 1997.

* L'archet du colonel, roman, Mercure de France, 1998.

* Régisseur du rhum, récit, Ecriture, 1999.

Raphaël Confiant : portrait d'un combattant

Raphaël Confiant est martiniquais. Il vit dans une case antillaise. Les objets de la modernité occidentale se résument à un fax, un téléphone et un poste de télévision. Entre femme et enfants, sa machine à écrire, ses livres et ses cabris, c'est là que naissent ses romans. Pour créer, pour imaginer, pour inventer, pour se souvenir, il a besoin de son île, de ses paysages, de ses habitants et de sa mémoire. Chez lui, le succès n'a rien d'ostentatoire, au point d'en être presque agaçant! Son regard n'est pas tourné vers l'Europe ou l'Amérique, il scrute la Martinique, sa Martinique. Son cadre de vie est volontairement modeste. Une façon, peut-être, de montrer que sa richesse est ailleurs. Un ailleurs bâti sur une langue, le créole.

Son cheminement ne le conduit pas vers un Eldorado mythique. Il le transporte sur une route sinueuse et difficile où chaque pas, chaque mot, chaque phrase sont les éléments constitutifs de l'imaginaire créole. Car la cicatrice de l'esclavage est toujours douloureuse. Les stigmates sont encore présents dans tous les esprits. Raphaël Confiant a donc un jour décidé d'écrire pour redonner un visage à une culture antillaise défigurée par la brutalité de l'histoire. Durant de nombreuses années (douze ans) il produira des textes en créole. À travers cinq romans, il tente de se réapproprier une langue dénigrée par le colonisateur. Malgré une certaine condescendance et parfois même un certain mépris de ses compatriotes, il ne lâche pas prise, l'homme est pugnace. Du fétichisme et de la noblesse de la langue française, il n'en a que faire. Ses livres en créole publiés à compte d'auteur dépassent rarement les 300 exemplaires, son compte en banque est alors dans le rouge mais il n'est pas question pour lui d'abandonner. Défendre le créole est devenu une mission. L'écrivain est exalté.

Pourtant, son ami Patrick Chamoiseau saura le convaincre d'écrire en français. Il accepte. Mais attention, la langue utilisée aujourd'hui par Confiant est triturée, désarticulée, reconstruite, en un mot elle est créolisée. N'allez surtout pas lui parler de la pureté de la langue, il vous rirait au nez. Pour lui, en cette matière, le respect n'existe pas. Il faut abuser des mots et bousculer les phrases. Résultat : il publie des romans dans un français pas tout à fait "académique". Ils ont pour titre Le Nègre et l'Amiral, Eau de café et Ravines du devant-jour. On y trouve toute la "diversalité" et toute la complexité du monde antillais. Avec ses acolytes, P. Chamoiseau et J. Bernabé, il écrit un manifeste, L'Eloge de la créolité, avec le premier il rédigera une anthologie, Lettres créole : tracées antillaises et continentales de la littérature (1635 - 1975) et c'est seul qu'il lancera un pamphlet, Aimé Césaire, le paradoxe.

Les romans comme les essais de Raphaël Confiant sont toujours l'occasion de livrer combat contre les impérialismes culturels et pour la reconnaissance de l'identité antillaise. La fougue est toujours au rendez-vous.

Raphaël Confiant aime son île. Paradoxe, il n'aime ni la musique ni le rhum. Pourtant, il garde en mémoire les souffrances et les humiliations collectives. Il écrit pour panser les plaies. Il pense pour offrir à son peuple une dignité longtemps bafouée. Raphaël Confiant est un écrivain de combat.

Laurent Sabbah

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